mardi 5 juin 2012

LES GROUPES DE COMPETENCES : LA MISE A MORT ANNONCEE DES ENSEIGNANTS DE LANGUE ET DE LEURS ÉLÈVES

LES GROUPES DE COMPETENCES : LA MISE A MORT ANNONCEE DES ENSEIGNANTS DE LANGUE ET DE LEURS ÉLÈVES L'idée des groupes de compétences n'est pas nouvelle puisqu'elle dérive du CECRL, publié par le Conseil de l'Europe en 2001 : http://eduscol.education.fr/cid45678/cadre-europeen-commun-de-reference.html Elle était jusqu'à présent expérimentale mais on nous l'impose pour la rentrée 2010. Tout d'abord, si l'on entre dans Google cette recherche, on constate que sauf exceptions, par exemple celle d’une courageuse collègue d'espagnol du Lycée Voltaire, à Paris XI, Montserrat Comas : http://www.mediapart.fr/club/blog/montserrat-comas/300110/faut-il-vraiment-appliquer-la-reforme-des-lycee-est-ce-vraiment-le#comments On ne trouve en ligne que des visions faisant l'apologie de cette méthode, émanant du Ministère, d'Eduscol et de professeurs de langue, désireux de se faire valoir par ce biais... En fait, de quoi s'agit-il? Nous devrions évaluer à chaque rentrée, -en globalisant les résultats sur trois langues, donc dans trois matières différentes, du jamais vu-, les compétences langagières de nos élèves de seconde, à partir de cinq axes: - compréhension de l'écrit - expression écrite - compréhension orale - expression orale (ponctuelle ou en continu) - interaction Ensuite, en fonction des résultats, on regrouperait les élèves selon leur compétence la plus forte*a, on leur ferait travailler à partir de celle-ci, (pour les valoriser, dans l'esprit de la pédagogie actionnelle), les 4 autres compétences, en cinq cycles successifs.... L’année se retrouverait donc divisée en cinq périodes, correspondant aux 5 compétences, et s'étalant en général entre chaque période de vacances, à partir de la Toussaint. Mais le plus grave ce n'est pas ça -car ce genre de système pourrait s'envisager en classe entière et ne serait pas trop contraignant et sans doute bien plus efficace- mais c’est bel et bien ce saucissonnage de l'apprentissage qui est lamentable. En effet, il est plus judicieux en fait de travailler les cinq compétences tout au long de l'année, pour que cela soit porteur à long terme!!!*b Le plus anti pédagogique dans cette histoire, et complètement inhumain de surcroît, c'est bien le regroupement des élèves en groupes de compétences, et donc fatalement l'explosion de la structure classe en langues, avec la perte de tous les liens affectifs qu'on tisse avec nos élèves tout au long de l'année. Nous aurions, dans mon lycée par exemple, une heure tous les 15 jours en classe entière, une heure en module par semaine -ce qui n'est pas prévu dans la réforme- et pour le reste, nous aurions cinq groupes différents d'élèves, sélectionnés sur cinq secondes différentes, une autre heure par semaine… Mais la "pédagogie" de l'horreur ne s'arrête pas là, une fois le niveau acquis dans chaque compétence: A2 en espagnol et B1 en anglais, on devrait recommencer le "brassage"*c des élèves, et constituer de nouveaux groupes, ou pire encore, les élèves solliciteraient eux-mêmes les changements de groupe, comme s’ils pouvaient être conscients de leurs niveaux à cet âge !!!! Imaginez un instant ce que ça représenterait en travail supplémentaire, non statutaire, pour les profs de langues, pour la recherche de documents adéquats, pour les trois évaluations annuelles, les réunions de concertations entre collègues, pour définir les contenus et les approches des cours, sans compter la grille finale de type CECRL à remplir pour chaque élève, à la fin de chaque année jusqu'au bac!!! Dans cette logique, les notes disparaîtraient, on devrait classer les élèves en trois niveaux: acquis-non acquis-en cours d'acquisition, ce qui constitue un énorme paradoxe pour ceux qui prétendent à travers cette méthode mieux évaluer le niveau ou les compétences de l'élève... Les épreuves traditionnelles du bac disparaîtraient aussi, le problème c'est qu'on ne nous dit pas par quoi elles seraient remplacées, impossible donc de se projeter sur le long terme1. Il s'agit donc d'un véritable massacre pédagogique, tant des élèves que de leurs enseignants, du mépris le plus total des adolescents, regroupés comme du bétail*d, et surtout de leurs professeurs, qui verraient leur temps de travail multiplié au bas mot par deux, sans aucune compensation évidemment... De plus, que va donner un changement radical de nos méthodes de travail si nous ne sommes pas intimement convaincus de son bien fondé? C'est très simple, le message ne passera pas auprès des élèves... Enfin, le niveau de seconde est le plus fragile au lycée, c’est une année charnière et bien des évolutions ne se sont pas encore faites dans les têtes des élèves. Ils ont déjà le plus grand mal à comprendre l'alternance hebdomadaire des modules, qu'en sera-t-il des passages d'un groupe de compétence à l'autre2? On imagine déjà le désastre... A l’heure ou la droite vient de perdre lourdement les Régionales, il serait peut-être temps qu’elle s’interroge sur les peurs justifiées que provoquent ses réformes à répétition -destructrices des libertés individuelles, du social et de l’éducation- si elle ne veut pas perdre dans un avenir proche, le peu d’électeurs qui lui restent… Car, que l’on soit un parent d’élève de droite ou de gauche, on voit bien à la lumière de cet article, ce qui attend nos enfants, si on ne réagit pas rapidement... Eric Courthès (professeur agrégé d’espagnol depuis 1993) eroxa_courthes@hotmail.com Le 21 mars 2010 Révision post sarkoszienne, le 05 juin 2012 1: Aujourd'hui, en mai 2012, après la parution du BO inique du 24 novembre 2011, http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?pid_bo=26014 on en sait beaucoup plus, nos élèves des sections générales devraient passer en 2013, une épreuve de compréhension orale au second trimestre et d'expression orale en fin d'année, un écrit de type final classique compléterait la série. On pourrait admettre le bien fondé de ce renforcement de l'oral mais avec des effectifs réduits et en rétablissant les horaires de langue antérieurs à la réforme Allègre de 2003. Dans le cas contraire, avec deux heures par semaine en LV2 en terminale, on n'a pas les moyens de cette réforme, 3 épreuves au lieu d'une, l'imposition du CCF, la disparition du bac comme épreuve anonyme, toutes les dérives que cela engendrerait, sans compter toutes les heures de cours qui disparaîtraient du fait de l'organisation de cette épreuve orale sur le temps de cours, etc On n'en finirait jamais d'énumérer les dangers de ces mesures intolérables... 2: Là encore, les chiffres sont éloquents, le taux d'absentéisme des élèves en GC est multiplié par deux dans mon lycée, beaucoup en profitent pour s''absenter car il ne s'agit pas de leur classe, il ne s'agit pas de leur prof habituel, de leurs camarades de classe, ils ne viennent donc pas en cours, ou s'amusent á rater les contrôles, sachant que la vie scolaire est dépassée par l'hétérogénéité des groupes et leurs changements incessants... *a: Il semblerait bien plus logique de leur faire travailler leurs points faibles; et qu'en sera-t-il des élèves qui sont compétents dans les cinq domaines, ou plus graves, qui ne le sont dans aucun, on les met où???!!! De même, que se passera-t-il dans la tête d’un élève qui n’aura pas pu sortir du groupe des faibles, un bon tiers des effectifs… ???!!! Devra-t-il supporter jusqu’à la fin de ses études cette étiquette dégradante… ???!!! *b: Imaginez en effet ce que ça donne pour l'élève de ne faire de la compréhension orale par exemple que sur les six premières semaines de l'année, au lieu d'en faire régulièrement, une fois par semaine, tout au long de l'année, sur 36 semaines de cours… *c: Ce terme est de l'un des défenseurs de la réforme, que je préfère ne pas nommer pour ne pas perturber sa conscience professionnelle dans l'avenir, si tant est qu'il en soit doté… *d: On retrouve bien là l'habituel fantasme de la droite, le fichage de la population dès le plus jeune âge et toutes ses dérives possibles...

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