vendredi 11 mai 2012

'' Le tonnerre entre les feuilles'', Augusto Roa Bastos, Orizons Editions, Paris, juin 2012

Dentro de poco, saldrá en Orizons Editions, en París, mi última traducción de Roa Bastos: '' Le tonnerre entre les feuilles'', gracias al apoyo de su director, Daniel Cohen: "> Es una obra maestra de Roa y la más bilingüe de todas, es un honor para mí ser la persona que le permita al publico francés descubrir esa joya hispano guaraní... Éric Courthès
Augusto Roa Bastos LE TONNERRE ENTRE LES FEUILLES Traduction, notes et préface d’Eric Courthès Augusto Roa Bastos LE TONNERRE ENTRE LES FEUILLES Traduction, notes et préface d’Eric Courthès Illustration de couverture de Carlos Meyer A Hérib Campos Cervera, mort loin de sa terre. Le tonnerre tombe et demeure entre les feuilles. Les animaux mangent les feuilles et deviennent violents. Les hommes mangent les animaux et deviennent violents. La terre avale les hommes, et elle commence à rugir, tel le tonnerre. (D’une légende aborigène.) PRÉFACE : UNE ÉCRITURE ENTRE MORT ET VIE Les auteurs ont coutume de réserver cet espace paratextuel à un tiers ; dans le cas de ce recueil de contes paraguayens, celui-ci aurait dû être un spécialiste de l’œuvre de Roa Bastos maîtrisant parfaitement les deux langues et les deux cultures en jeu : espagnol et guarani. Mais je vous avoue qu’exceptée Milagros Ezquerro, beaucoup trop occupée par ailleurs, ou Alain Sicard, déjà en retraite, je ne vois pas à qui j’aurais pu confier cette tâche… Pris par le temps et d’autres obligations, je me vois donc contraint de m’auto-préfacer, ce qui ne changera pas grand-chose à mon habituelle situation de chercheur-traducteur-écrivain errant et solitaire, digne de faire partie des plus grands laboratoires de recherche mais indigne d’une chaire, aux yeux de ceux qui dirigent le lamentable système des vrai-faux concours de maîtres de conférences en France… L’œuvre de Roa Bastos m’occupe depuis plus de dix ans, depuis ma rencontre avec le Maître en son domicile d’Asunción, en septembre 2000, j’ai publié de nombreux articles universitaires et des essais dans ce domaine, ce qui m’autorise je crois à donner un point de vue averti sur cette œuvre, la première en prose publiée par Roa Bastos, en 1953, à Buenos Aires. On a coutume de déceler dans les premières œuvres des auteurs leurs racines et leurs sources et celle-ci ne faillit pas à la règle. On a déjà l’environnement bilingue et rustique du Guairá, qui servira ensuite de cadre à Fils d’homme. Un personnage de nain comme celui de Simón Bonaví dans la dernière nouvelle éponyme Le tonnerre entre les feuilles, est clairement une anticipation négative du personnage du conte Nonato, publié dans Moriencia, en 1969, qui était déjà réapparu dans Fils d’homme, en 1960 et finira sa course dans Contravida en 1994, sous les traits du Maître Gaspar Cristaldo. On a déjà aussi en germe les principales obsessions de l’auteur, le guarani, le bilinguisme, la dualité, l’humanisme révolutionnaire d’un personnage comme Solano Rojas mais surtout cette capacité endotextuelle de ré-écrire son œuvre de Roa, -qu’il qualifia de « poétique des variations’ dans la fameuse note de Toulouse de 1982, qui introduit la dernière version de Fils d’homme-, et de pratiquer une forte auto intertextualité. On remarquera en effet dans ceux-ci que certains personnages traversent les histoires, comme Miguel Vera dans Fils d’homme, c’est le cas par exemple du gaucho Timó Aldama, emporté par le tourbillon de la tornade à la fin de L’œil de la mort, -le père de Poilú, personnage d’un autre conte du même titre-, qui renaît sous les traits de Críspulo Gauto dans le conte suivant, qui atteint encore le conte d’après, Audience privée, et finit son étrange course de mort et de vie dans L’excavation1, pris là-encore dans la fatalité et le tourbillon de la mort2. Car s’il est un thème qui domine dans cette œuvre, c’est bien la mort, qui d’ailleurs n’est jamais définitive, et va de pair avec la renaissance endotextuelle de la fiction, on peut citer l’exemple d’Alicia Morel, dans La tombe vivante, dont le squelette apparaît au sommet d’un guapo’y3 quinze ans plus tard et ramène à la surface l’histoire fantastique du Yasy Yatéré dévoreur d’enfants. La mort et l’écriture sont les deux fondements de la poétique de Roa, souvent d’ailleurs, on ne sait pas quoi penser du sort de certains personnages qui restent suspendus à la fin des récits dans des limbes entre la vie et la mort. C’est le cas de Pirulí dans le conte éponyme, frappé violemment à la tête par sa mère ou de Felipe, l’idiot du village lapidé par les habitants du village dans Les rogations, de Víctor Saldívar, dans Le prisonnier ou encore de l’enfant anonyme « mort ou endormi » de Cigarettes Mauser, mais surtout celui de Solano Rojas4, qui malgré sa mort physique dans Le tonnerre entre les feuilles survit à travers la musique de son accordéon et joue son amour pour Lune-Blanche-Gretchen, au-delà de sa disparition. La mort n’est que l’autre face de la vie5 et débouche sur la fiction dans cette magie textuelle, tout comme dans Fils d’homme, où l’on découvre à l’avant-dernière page que l’œuvre que l’on vient de lire n’était que le journal d’un lieutenant mort pendant la Guerre du Chaco, ou encore mieux dans Moi le Suprême où l’auteur s’installe d’emblée dans la conscience survivante du Dictateur perpétuel du Paraguay, José Gaspar Rodríguez de Francia. On pourrait encore en parler pendant des pages mais il vaut mieux je crois laisser au lecteur « autonome et non moins fictif » tel que le qualifie Roa dans la dernière Note du Compilateur de Moi le Suprême, la mission de se créer sa propre vision de ses fantastiques prosopopées. Il notera sans doute tout comme moi que la mort obéit au « terrible mystère du hasard6 », que les faits, même les plus triviaux, sont « fixés à l’avance »7, terrible fatalité qui abolit presque la disparition des corps, car l’âme, guarani s’il en est8, ne disparaît jamais complètement, c’est le cas de celle de Solano et d’autres personnages dans l’œuvre de Roa et c’est ce qui lui donne, à travers ses multiples palingénésies textuelles, son caractère éternel….

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