mardi 29 mai 2007

"Los textos que me dejó Augusto Roa Bastos", Eric Courthès









Los textos que me dejó Augusto Roa Bastos


Excusado es decirles primero que me legó Augusto Roa Bastos el Supremo Texto de la Narrativa Latinoamericana del XX, Yo el Supremo, un Librazo tan raro que un día un asistente asunceño me preguntó por qué nosotros los críticas no le inventábamos un diccionario especial para leerlo y entenderlo…

Sobra recordarles también que fueron numerosos los otros textos de Roa, en los cuales ya se vislumbraba o se proyectaba la “lección de Escritura” del Supremo Dictador del Texto Perpetuo, de hecho con su especial poética de la ausencia, nos dio a leer una sola obra enmascarada en varias, cuya cronología no deja de reservar unas tremendas sorpresas[1].

Así escribió Contravida, remontándose hacia el origen de su escritura, pero no termina ahí lo endotextual en su obra, al delegar la escritura a narradores-escribientes super omniscientes tipo Miguel Vera o el Supremo, al poner en escena la escritura de su libro, (no del suyo), remató con la ausencia barthiana del Autor de modo único quizá, en las letras mundiales, lo que conceptualicé como endotexto[2]

Pero no se acaba en ello su enorme legado textual y escriptural, al dar la ilusión de que el texto se auto genera mediante narradores-personajes que lo suplen, al dejar traslucir agujeros en el texto, zonas de ausencias textuales y autoriales, invita al lector a que se meta en aquellas grietas de la Escritura, para que se vuelva él también Creador, inscribiéndose en la Re-Escritura de una obra tan original que renace en manos de sus lectores más empedernidos[3], lo que llamé exotexto

Por si no fuera bastante, en sus discursos, en las pocas horas ( pero tan densas) que me dedicó el Mago Textual, supo insuflarme ideas y creaciones que no me han soltado aún, al cabo de siete años. El ensayo sobre la insularidad paraguaya[4], el Carpincho me lo sugirió, en su casa; el seis de septiembre de 2000.



Le debo también el artículo sobre fronteras que voy a escribir acerca de Isla Margarita, ya que, increíble coincidencia, resulta ser la del “Penal El Paraíso[5]”. La novela que proyecto sobre Bonpland[6], con su doble muerte tan extraña, está en agraz en Yo el Supremo…

O sea que con la obra de don Augusto, sean textos escritos o discursos, el cuento nunca se acabó, su Escritura es transfinita y lo es también el legado inmenso que me dejó, y que, ya puedo afirmarlo, me formó como Hijo de Hombre y me permitió revelarme a mí mismo…



Eric Courthès
Tsingoni, Mayotte
29 05 07



[1] Por ejemplo, se sabe que empezó Contravida antes que todas las otras obras y la publicó al final, que hubo varias versiones diferentes de El Fiscal, véanse para más detalles mi artículo: « Una trilogía paraguaya tras otra», Poitiers, CRLA de la Universidad de Poitiers, Actas de la “Jornada Roa Bastos” del 14 de enero de 2006.

[2] Fíjense en « El endotexto roabastiano », Asunción, Servilibro, Palabras escritas N°1, febrero de 2006, pp. 114-120, y sobre todo en mi reciente ensayo Lo transtextual en Roa Bastos, Asunción, Universidad Católica, Biblioteca de Estudios Paraguayos, Vol. 67, noviembre de 2006.

[3] Les aconsejo al respecto el mejor ejercicio de re-escritura roabastiana, (sin editor hasta hoy), que me ha sido dado en leer, él de Carolina Orlando, la cual con sus memorias apócrifas de Roa lo resucitó a nivel textual de modo mágico. Léanse de aperitivo "Primer encuentro con Borges", cuento que forma parte de su biografía apócrifa de don Augusto Roa Bastos: Memorias de un Escritor. Palabras Escritas N° 2, Servilibro, Asunción, Paraguay, julio de 2006.

[4] Consulten con provecho La ínsula paraguaya, Asunción, Universidad Católica, Biblioteca de Antropología Paraguaya, Vol 49., marzo de 2005.

[5] Al respecto les recuerdo esta cita preciosa de Hijo de hombre, en la cual el lector se da cuenta de que la isla en que está el Penal de Peña Hermosa, es movediza, (igual que la obra de Roa), al remontar el río nos transporta hacia la utopía y la aporía de la Escritura: “…Entonces se tiene la sensación de que el peñón remontara el río, entre las centelleantes y lejanas barrancas….El islote suelta amarras y empieza a remontar el río, imperceptiblemente, sin apuro.”, Augusto Roa Bastos, Hijo de hombre, Madrid, Alfaguara, 1995, (1960), p. 239, p. 242

[6] Mémoires d’un mort, le voyage sans retour d’Aimé Bonpland, La Rochela, Ediciones La Découvrance, en prensa, 2008.


dimanche 27 mai 2007

"Métaphorismes", Augusto Roa Bastos, traduction d'Eric Courthès, illustration d'Isabelle Bugnard, non édité à ce jour...




METAPHORISMES







Augusto Roa Bastos

























































































Traduction, notes et introduction d’Eric Courthès
Ilustration de couverture, Isabelle Bugnard




SOMMAIRE


I) Introduction (5-21)

IA) Cadre théorique de la transtextualité (5-6)


IB) Présence des concepts de transtextualité et définition de Métaphorismes (6-8)


IC) Hypertexte : écrire un seul Livre (9)


ID) Endotexte : écrire l’Ecriture (9-10)


IE) Métatexte : Ecrire pour un relecteur-créateur (11-12)


IF) L’Auteur et le Texte absents (12-14)


IG) Ecrire l’Homme (14-15)


IH) Ecrire la Femme (16-17)


II) Ecrire l’Amour (17-19)


IJ) Conclusions (19-20)


II) Métaphorismes (21-67)


IIA) Moi le Suprême (21-38)


IIB) La veille de l’Amiral (39-49)


IIC) Le Procureur (50-60)


IID) A contre vie (61-63)


IIE) Madame Sui (64-67)


IIF) Chronologie de Roa Bastos (68-69)


IIG) Index thématique (70-75)









































I) Introduction


Nous devons avouer tout d’abord que nous avions exclu de nos récentes études sur la transtextualité chez Roa Bastos[1] Métaphorismes, le dernier ouvrage publié par l’auteur seul, en effet, après 1997, Roa ne publia plus que des ouvrages collectifs[2].

Et cette lecture postérieure aux articles et essais déjà cités ne fit que renforcer notre vision du texte roabastien, riche en intertextualité, hypertextualité et surtout endotextualité, dans la mesure où ce recueil de métaphores aphoristiques redit l’œuvre toute entière en filigrane et même l’œuvre absente, des brouillons ou des oeuvres achevées jamais publiées[3], ont en effet été choisies pour compléter ces pensées brèves et complexes. Celles-ci disent non seulement une Ecriture qui se regarde et s’analyse, mais elles constituent aussi une profonde réflexion sur lui-même, sur l’Homme et la Femme, et l’Amour, pour ne citer que les axes les plus remarquables, dans ce petit ouvrage plutôt ignoré par la critique, malgré son indéniable caractère de confessions ultimes et intimes…

IA) Cadre théorique de la transtextualité

Tout comme dans nos travaux précédents de sémiotique textuelle déjà cités, il nous semble important de bien distinguer, voire de remettre en cause, les habituels concepts de sémiotique tirés habituellement de Julia Kristeva et de Gérard Genette[4]. Tout d’abord parce que les notions d’intertexte et d’hypertexte ont tendance à se chevaucher dans la critique actuelle, et ensuite parce que l’hypertextualité, telle que la définit Genette, ne distingue pas la nature de « l’opération transformative[5] » qui sépare forcément un hypertexte auctorial, fort présent chez Roa, d’un hypertexte allographe.

Enfin, parce que chez don Augusto, l’interrogation sur le texte lui-même, l’Ecriture de L’Ecriture, d’un texte qui se met en scène et se génère lui-même, est telle, que la catégorie d’hypertextualité auctoriale n’y suffit pas non plus. Ceci sans compter avec les ruptures métadiégétiques, fort nombreuses dans l’œuvre, qui elles non plus ne peuvent ressortir à la même catégorie fourre-tout d’hypertextualité.

Nous proposons donc pour l’avant-dernière catégorie, le terme d’endotextualité, et pour la dernière, s’agissant du même texte en fait, mis en abîmes successivement, -et non pas du recours à un autre texte, de l’auteur ou pas-, les catégories habituelles de métadiégèses ou métadiscours y suffiront.

L’intertexte se limitera donc, comme le suggère d’ailleurs Genette, s’appuyant sur Kristeva, à la citation, au plagiat ou à l’allusion, l’hypertexte auctorial à la présence, avec transformation ou pas, d’un texte antérieur ou postérieur de l’auteur, l’hypertexte allographe, à la recréation d’un texte d’un autre auteur, et enfin l’endotexte, à une réflexion sur le texte qu’on est en train de lire et plus généralement sur l’écriture.

On voit bien ici que toutes ces catégories ne disent pas les mêmes réalités, on peut même affirmer qu’elles ne suffisent pas à dire toutes les transmutations du texte, surtout chez Roa Bastos.

IB) Présence des concepts de transtextualité et définition de Métaphorismes

Dans le recueil de pensées brèves, et souvent humoristiques, qui nous occupe, l’intertextualité apparaît clairement dans l’excellent index thématique de Carlos Pujol[6], tous les plus grands sont là, généralement cités, à exception du génial don Miguel de Cervantès, dont c’est l’oeuvre qui est souvent commentée, et qui occupe à lui seul 8 entrées, le record dans la série des littérateurs, où l’on peut citer Nietzsche bien entendu, Blaise Pascal, Borges et Quevedo, s’il fallait constituer un quelconque palmarès.

Le grand Cioran lui-même, le Maître incontesté de l’aphorisme, n’y apparaît qu’une seule fois, et la mention à cet auteur va nous permettre de distinguer d’emblée les aphorismes du Maître roumain et ceux de Roa[7]. Cioran était un spécialiste de la pensée noire et concise, pas un auteur de fictions, alors que Roa nous propose ce recueil à la fin de sa carrière littéraire, en replongeant dans sa propre œuvre, marque d’hypertextualité auctoriale remarquable là encore.

D’autre part, la mise en recueil de ces aphorismes préexistants à l’œuvre elle-même, en donne pour le moins une seconde vision, et constitue en soi une démarche hypertextuelle, d’autant plus énigmatique, qu’elle a recours à nombre d’aphorismes jamais publiés et donc de fictions absentes. Mais qu’importe puisqu’on n’écrit qu’une seule histoire et l’auteur en la matière l’a largement démontré[8] : « On a beau combiner les mots dans tous les sens, on écrit toujours la même histoire. » [529], p. 111, A Contrevie

Mais ce qui ici va nous occuper plus longuement, c’est l’endotexte, en effet, comme le signale justement Carlos Pujol, c’est sans surprise le mot « escribir », sans compter tous ses corollaires, qui occupe le plus d’entrées dans l’œuvre, 35 en tout, ce qui justifie que l’on en est fait l’axe autour duquel gravite cette première partie.

Les 5 œuvres sont concernées d’une part, nous vous rappelons qu’il s’agit dans l’ordre de parution de : Moi, le Suprême, Veille de l’Amiral, Le Procureur, A contrevie, et enfin de Madame Sui[9], et d’autre part, dans Fils d’homme, étrangement exclu de la série, les réflexions sur l’écriture ne manquent pas, on peut même aller jusqu’à dire que les endotextes de Miguel Vera dans le chapitre VII, Relégués principalement, contiennent en germe tous les autres, est-il besoin de rappeler la force communicative de cette citation sur l’utopie de l’écriture, du génial narrateur-écrivant de l’œuvre :

« Vieux vice, que celui de l’écriture. Cercle vicieux qui devient vertueux quand il se boucle vers l’extérieur. Une manière de fuir vers l’espace stable des signes : une manière de chercher le lieu qui transporte notre lieu dans un autre lieu. Et n’est-ce pas là le vrai sens de l’utopie ? L’utopie du Fils prodigue revenant au foyer qui n’existe plus ; celle des bannis, des exilés, des relégués qui rêvent de revenir sur la terre à laquelle on les a arrachés et savent que même s’ils y retournent elle ne sera plus jamais la leur[10]. C’est l’homme lui-même qui est l’utopie parfaite. Pour y échapper, on voyage, on est toujours en train d’aller quelque part, on fuit en avant ou en arrière, toujours plus loin[11]. »

La réflexion sur l’écriture est donc permanente chez Roa Bastos, et la longue série d’aphorismes ayant trait à celle-ci transcende toutes ses œuvres, et débouche même sur une nouvelle œuvre, fruit de la compilation de tous ceux-ci. On sait même que cette obsession tardive pour les pensées brèves et métaphoriques n’avait pas trouvé son accomplissement dans celle qui nous occupe, dans le documentaire que je lui ai consacré en 2001,

il m’affirma en préparer une autre série à partir de la culture guaraní[12], et dans une interview de juin 2003, de Luis Antonio Giron, de la revue brésilienne Epoca, de Sao Paulo[13], il affirma même qu’il donnait alors la dernière touche à une série de mille aphorismes intitulés Proverbes rebelles.

Mais avant d’en venir vraiment au traitement de cet endotexte par Roa, il convient de définir le terme de Métaphorismes, puisqu’ils seront l’objet quasi exclusif de notre étude, et nul mieux que l’auteur lui-même, créateur de ce néologisme, ne pouvait le faire :

" Métaphore et aphorisme, fusionnant en métaphorismes, tissent la condensation d'une pensée brève, concise, laconique, cathartique, aux yeux taillés en facettes, qui permettent d'enregistrer la réalité du monde et de l'être humain simultanément, depuis tous les angles et pour tous les temps. [376], p. 88, Le Procureur
[1] « Le texte et ses liens dans quelques œuvres de Roa Bastos », Paris, Université de Paris IV La Sorbonne, CRIMIC SAL, sous presse, 2006 ; Lo transtextual en Roa Bastos, Asunción, Universidad Católica, CEADUC, Biblioteca de Antropología, sous presse, 2006 ; « El endotexto roabastiano », Asunción, Palabras, n° 1, mars 2006 ; « La poética de la ausencia », Asunción, Última Hora, Correo Semanal, 29/01/06. Des passages de tous ces travaux récents sur le texte sont consultables sur mon nouveau blog dédié à Roa http://spaces.msn/com/members/ROABASTOS/PersonalSpace.aspx

[2] Los Conjurados del Quilombo del Gran Chaco, Augusto Roa Bastos, Alejandro Maciel, Omar Prego Gadea, Eric Nepomuceno, Buenos Aires, Alfaguara, 2001, prefacio de Augusto Roa Bastos, « Prefacio para un tetralibro de guerra en tiempos de paz liberal ». Maciel, Alejandro, El trueno entre las páginas, (diálogos entre Augusto Roa Bastos y Alejandro Maciel), Asunción, Intercontinental Editora, 2002. Ceci sans tenir compte de sa grande oeuvre inachevée, Un país detrás de la lluvia, d’un autre recueil d’aphorismes tirés du guaraní, dont il m’a parlé lors de mon entrevue de septembre 2000, et de quelques ouvrages pour enfants…

[3] Roa l’annonce d’emblée en deuxième de couverture : « Cette sélection provient de quelques unes de mes œuvres qui sont mentionnées ici, par ordre chronologique ; de brouillons inachevés ou détruits ; mais aussi de cahiers de notes et de lettres avec des amis, lointains… », Metaforismos, Barcelona, Edhasa, décembre 1996, cette traduction et les suivantes, sauf celle de Fils d’homme, seront de votre serviteur. Par contre, la pagination renverra aux éditions habituelles en espagnol.
[4] Palimpsestes, La littérature au second degré, Paris, Editions du Seuil, Points Essais, 1982, p. 7 à 18.

[5] Ibid., p. 14.

[6] Auteur de l’introduction de l’ouvrage de Roa qui nous occupe, Metaforismos, prologue de Carlos Pujol, Barcelone, Editions Edhasa, décembre 1996, et d’un excellent index thématique, dont nous allons tirer le plus grand parti.

[7] En publiant à la fin de sa carrière littéraire, ce recueil d’aphorismes, Roa rejoint les plus grands, tel Cervantès dans Flor de aforismos peregrinos, ou encore Proust et Oscar Wilde, ceci sans compter les philosophes qui tels Schopenhauer, De La Rochefoucauld, Voltaire ou Nietzsche y allèrent aussi de leur recueil de pensées brèves et denses.

[8] Voir à ce sujet mon essai Lo transtextual en Roa Bastos, Asunción, Universidad Católica, CEADUC, Biblioteca de Antropología Paragauaya, sous presse, 2006

[9] Toutes ces œuvres de Roa ont été traduites par François Maspero, aux Editions du Seuil, sauf Métaphorismes, nous espérons pouvoir enfin réparer cette lacune…

[10] On peut trouver là une analogie avec la pensée de Milan Kundera, dans L’ignorance, qui s’appuyant sur l’étymologie latine ignorare du mot espagnol añoranza : nostalgie, nous démontre que la nostalgie c’est ignorer que tout a changé depuis notre départ, et que partant ce dont on rêve n’existe déjà plus…

[11] Fils d’homme, Paris, Seuil, p.227.

[12] Un país tras la lluvia, France/Argentine, 26 mn, 2001. On remarque aussi l’absence du mot guarani dans l’index thématique, compte tenu de la prégnance de la culture indigène dans son œuvre, on peut supposer que cette assertion est vraie, il n’aurait tout simplement pas eu le temps de les publier. Pour finir, n’oublions pas que l’aphorisme, le ñé’ engá, est d’un usage très courant dans la culture guarani, avec une lourde charge métaphorique, en effet, Roa dans cette interview qu’il m’accorda en septembre 2000, le définit magistralement ainsi: « la sombra de la palabra », à partir de son étymologie : ñéé : ‘lengua, palabra », et ta’angá :’sombra’…

[13]: “-Quel livre êtes-vous en train d’écrire actuellement? Vous pouvez nous donner une petite idée ?
“ -En réalité, je travaille sur deux oeuvres en même temps. D’une part, j’apporte la dernière touche à une série de mille aphorismes, (tel est mon objectif), telles des pensées très condensées. Je veux que le livre s’appelle «Proverbes rebelles”mais je n’ai pas encore fini de recueillir une grande partie d’aphorismes, de phrases et de pensées. Heureusement qu’ Alejandro (Maciel) m’aide à sélectionner, parce que j’en ai oublié quelques uns dans « Le procureur », lors de la première collecte. Je ne sais pas si quelqu’un un jour lira les mille, mais on sait bien que l’espoir fait vivre.....D’autre part, je suis en train d’essayer de peaufiner cette espèce de plan général, que l’exécution finale d’une œuvre rend obligatoire. Il s’agit d’un roman qui m’habite, au titre brumeux: “Un pays derrière la pluie. Quand j’étais petit, à Iturbe, le village de l’intérieur où j’ai grandi, je regardais le paysage les jours de pluie et ce voile ténu de la pluie qui s’interposait entre mon regard et la campagne la rendait incertaine, lointaine, intangible. C’est comme ça que je vois mon pays : derrière un rideau qui parfois le met en évidence et d’autres fois l’asphyxie. Et l’on reste ensuite à attendre la lumière du soleil qui inexorablement viendra nous libérer de ce cauchemar intime, de ne pas pouvoir nous reconnaître l’un dans l’autre. Dans cette histoire, il y a une petite fille. Les yeux pleins de rêve d’une petite fille, qui construit quelque chose qui n’existe pas encore mais qu’elle pressent. »

mercredi 23 mai 2007

"Vaincre l'insularité à Mayotte et ailleurs", Eric Courthès et sa classe de 303, Mamoudzou, CDP, juin 2007 (conclusions)




VI- L’insularité de Mayotte (Christophe Boubal)

De par sa position géographique et de son histoire Mayotte fut en contact avec le monde musulman et malgache ainsi qu’avec les autres îles des Comores. Cette ouverture fut maintenue avec le choix de rester française.

En fait c’est dans les mentalités que l’insularité à Mayotte est la plus marquée.
L’insularité de Mayotte est vaincue par son aéroport « international » desservi par plusieurs compagnies aériennes (Air Austral, Air Madagascar, Air Kenya, Air Comore, Corse Air) qui la met en contact avec le reste du monde même si le coût élevé des billets nuit aux déplacements de la population mahoraise .

Le port de Longoni permet aussi à Mayotte d’être relié au reste du monde afin d’y importer les marchandises dont l’île a besoin. Etant non autosuffisante dans les tous les domaines l’île a l’obligation de dépasser son insularité si elle veut avoir accès aux produits de la modernité et nourrir sa population.

De la région la plus proche,les Comores, Mayotte n’a que peu d’échanges commerciaux, parce que ses voisines ont peu de choses à lui apporter ( mais aussi pour des raisons sanitaires). Par contre au niveau des populations, les échanges sont intenses et liées aux migrations clandestines des Anjouanais. Ces derniers malgré les liens qui les relient aux Mahorais sont rejetés par la population mahoraise qui développe vis à vis d’eux un fort sentiment xénophobe. Ils nient les liens les attachant aux autres îles comoriennes surtout avec Anjouan.

L’insularité de Mayotte se définit là, par sa volonté de ne pas se reconnaître ni comorienne ni africaine. Avec l’Afrique les échanges se limitent au strict minimum avec l’importation par les groupes de distribution alimentaire de quelques produits agricoles (Kenya).

C’est avec la métropole que Mayotte rompt son insularité. Elle en reçoit d’importantes aides financières , un flot de fonctionnaires et la majorité de ses touristes qui viennent voir leurs parents ou amis nommés dans l’île ainsi que les Réunionnais. Toutefois ce flux ne se fait essentiellement que dans un sens, les mahorais sont peu nombreux à se rendre en France pour leur étude ou pour le travail. Ils préfèrent pour cela se rendre d’abord à la Réunion.
Avec le reste du monde les échanges se font pour des marchandises comme les produits alimentaires dont raffolent les mahorais à savoir le poulet, le bœuf en provenance du Brésil, le riz d’Asie tandis que les produits manufacturés à bas coût venant de Chine inondent l’île.

L’insularité de Mayotte ne pourra « disparaître » que le jour où elle acceptera son environnement proche.




III) INDICES D’ISOLEMENT[1] (par Augustin Derupti)


Île de Pâques : 172


Galapagos: 158.1


Cuba: 132.1


Porto Rico: 127.2


République Dominicaine: 126.2


Mayotte: 125


Canaries: 75.3


Baleares: 37



IX) DIAGRAMMES INTERÎLES, cours de technologie de Mr Cousin, (avec le soutien logistique de Nicolas d’Aurizio…)


Comparaison des populations et superficies des îles .
>
Ile
Superficie
Population
Densité
>

en km²
en nombre d'habitant
en hab/km²
>
Baléares
4992
916 968

>
Canaries
7445
1 915 540

>
Cuba
100860
11 184 023

>
Dominique
48730
9 183 384

>
Porto Rico
9104
3 916 632

>
Pâques
163
3 000

>
Galapagos
8000
18 000
��
>
Mayotte
374
201 234


Question 1 :
(une densité de population se calcule en divisant le nombre d'habitant par la superficie !)

Calculer dans la colonne D la densité (en habitant par km²) de chacune de ces 8 îles .
>
Question 2 :
(on mettra les pays en abscisse)

>
Tracer un diagramme en barres permettant de comparer la superficie de ces 8 îles .
>
Interprétation :
>
Question 3 :
(à faire sur une deuxième feuille -onglet en bas de page)

>
Représenter en diagramme circulaire les populations de ces 8 îles .

>
Interprétation :
>
Question 4 :
(à faire sur une troisième feuille -onglet en bas de page)
>
>
Tracer un diagramme en barres 3D permettant de comparer la densité de population de chacune de ces 8 îles .
Interprétation :


XI) CONCLUSIONS

Ce projet sur l’insularité touche à sa fin, contre vents et marées: barrages routiers, grèves, inerties diverses, désintérêt, jalousies, (et même agressivité hélas parfois), nous avons réalisé en partie nos objectifs, et avons passé, entre collègues désireux d’échanges et avec les élèves, de purs moments de bonheur, malgré l’angoisse finale de l’édition et des multiples corrections de dernière minute…

Il faudrait à présent reprendre toutes ces fiches d’insularité bilingues et celle de Mayotte, afin de mieux cerner les difficultés de cette île à sortir de son isolement, en comparant ses atouts à ceux des autres îles. En tout cas, et tel était l’un des objectifs, les élèves auront pu constater que des îles encore plus isolées s’en sortaient. On ne peut évidemment transporter les Moais à Mayotte, nous n’avons pas la richesse endémique des Galapagos, cependant cet axe, avec les espèces autochtones de la brousse et du lagon pourrait être plus largement exploité dans les projets touristiques.

L’écotourisme est en effet un axe à développer, mais il faudrait aussi en finir avec les différentes entraves aériennes et maritimes, qui accentuent son isolement, si l’arrivée de Corsair peut être accueillie comme un signe d’espoir, les récentes pénuries du mois d’avril[2] n’incitent pas à l’enthousiasme, pas plus que la hausse soudaine des produits laitiers en mars[3].

Mais qu’importent nos petites angoisses d’exotes, le mahorais surtout doit briser les chaînes de son isolement, la continuité territoriale pourrait être une ébauche de solution, encore ne faudrait-il pas gâcher les deniers publics dans des prébendes honteuses aux membres du Conseil Général[4].


Les mahorais « tiraillés entre le confort d’habitudes communautaires ritualisées depuis toujours dans cet espace clos « amniotique » que représente l’île, et un modèle de développement économique importé de France via La Réunion[5].», sont « condamnés » à la transculturation, à la création d’une réalité nouvelle, métisse, à partir d’échanges entre les deux communautés, en se débarrassant de quelques éléments archaïques, en acceptant une certaine déculturation, ils auront l’immense bonheur de se renouveler dans la néoculturation franco-mahoraise…

Quant à ses relations tendues[6] avec ses voisins et frères comoriens, voilà bien le problème le plus épineux, les mahorais mettront moins de temps à devenir des citoyens français, des métis culturels, qu’à se réconcilier avec leurs voisins insulaires comoriens. C‘est pourtant bien à partir d’un espace régional de libre échange de biens, d’idées et de personnes, que Mayotte sortira de son insularité. De plus, si elle ne veut pas voir ses côtes submergées de kwassa kwassa, elle se doit, et par derrière elle, la France, de prôner une véritable réconciliation, une politique de développement basée sur la coopération régionale[7], au lieu du tout répressif que nous vivons actuellement…


Eric Courthès
Compilateur,
13 mai 2007

[1] Voir le mode de calcul à la note 35, p. 44

[2] « Nous nous apprêtons à vivre 15 jours avec un risque de pénurie de viandes et de poulets congelés, de crémerie ( beurre, yaourts, fromages importés). C’est dû à un nouveau système dans la gestion de la desserte de Mayotte par bateaux. Dorénavant, un seul navire, le MSC Ingenuity, dessert Mayotte, une fois tous les 15 jours. Trop petit pour tout charger, beaucoup de conteneurs frigorifiques restent à quai à Port Louis. », Mayotte Hebdo, n° 331, vendredi 27 mars 2007, p. 4.

[3] Celle-ci serait due à la suppression par le Ministère de l’Outremer d’une subvention, permettant de compenser le coût du transport prohibitif jusqu’à Mayotte, via La Réunion.

[4] « Priorité aux privilégiés », Kaskasi, 63, « FQS, Faut que ça sorte », mai 2007, p. 8, selon cet article, qui n’engage que son auteur, les élus du Conseil Général auraient accordé 150 000 euros de subvention à l’amicale du personnel, alors que le montant total des subventions accordées au secteur associatif, pour 83 associations, est de 500 000 euros….

[5] « L’importance psychologique du banga », Régis Airault, Le Mawana, jeudi 10 mai 2007, pp. 8-10.

[6] Le récent changement de préfixe téléphonique, nous sommes en effet passés du 02 69 propre aux Comores, au 02 62 propre à La Réunion, et la légitime*a plainte de l’Etat comorien contre l’Etat Français, auprès de l’Union Internationale des Télécommunications, est une illustration supplémentaire de l’insularité croissante de Mayotte par rapport aux Comores : « Bon an mal an, l’île au lagon consolide la bulle qui la coupe de son environnement direct et le cordon ombilical tout neuf qui la relie à la mère patrie française via La Réunion. Et même lorque qu’il s’agit de s’ouvrir sur la région ; le discours dominant tend à situer l’île dans un Océan Indien aux repères géographiques plus ou moins précis, effaçant toute idée de lien particulier avec les Comores. Il suffit de lire les journaux, les prospectus et même les manuels scolaires pour s’en persuader. Combien de cartes de la zone déforment-elles les distances de l’archipel, groupant les trois îles indépendantes et plaçant Maoré à l’écart, comme si elle ne faisait pas partie intégrante de cet espace géographique ? », Kashkazi 63, mai 2007, p. 11, « L’affaire du 269, ou comment se pourrir la vie », par Lisa Giachino.

*a :A cause de ce changement, le prix des communications depuis les Comores, aurait plus que doublé, toujours selon Lisa Giachino…

[7] La forte densité de Mayotte, 538 habitants au km2, voir « diagrammes interîles » en X, p. 93, sert à cautionner cette politique d’immigration désastreuse, mais au lieu de laisser les Comores se vider de leurs habitants, pour atteindre un paradis mahorais surpeuplé, qui est en fait un leurre, ne pourrait-on pas les aider à rétablir la stabilité politique menacée en ce moment et investir dans le domaine de la coopération régionale chez eux ? Tout le monde serait gagnant…

mardi 22 mai 2007

"Yuya Pishkho", Iker Vera

http://www.elyacare.org/paginasnuevas/liter.html



YUYA PISHKHO, el pájaro- memoria

YUYA PISHKHO, l’oiseau- mémoire



L’oiseau- mémoire,

El pájaro- memoria

Le Yuya Pishkho,

El yuya Pishko,

Du fond d’un miroir,

Desde el fondo de un espejo,

Me rappelle à Santiago,

Me llama de nuevo en Santiago ;

Et ailleurs…

Y en otras partes….



Tout en haut,

Allá arriba,

Du Mont du Diable,

Del Monte del Diablo,

Le Devil’s Glenn,

El Devil’s Glenn,

Où commence et finit

Donde comienza y termina

Une histoire,

Una historia,

La mienne,

La mía,

La tienne…

La tuya….


A moitié jardin botanique,

Mitad jardín botánico,

A moitié primitive forêt,

Mitad primitivo monte,

J’ai rencontré en son sommet,

Encontré en su cumbre,

Au pied d’une cascade,

Al pie de una cascada,

Un Sage gazouillant,

Un sabio gorjeando,

Tel l’Oiseau- Mémoire,

Tal como el Pájaro-Memoria,

Qui te conte

Que te cuenta

Son Histoire…

Su Historia….



Un Sage qui conte aussi

Un Sabio que también cuenta

Les histoires des autres,

Las historias de los demás,

Qui gazouille dix mille

Que gorjea diez mil

Histoires,

Historias,

Qui n’en font qu’une,

Que no conforman sino una,

Puisant dans nos mémoires,

Cavando en nuestras memorias,

Se racontant,

Contándose,

Te racontant…

Contándote…


Auguste il se nommait,

Augusto se llamaba,

Sa Pensée il m’a transmise,

Su pensamiento me ha transmitido,

A jamais,

Hasta siempre,

D’Eindhoven à Nevers,

De Eindhoven a Nevers,

De Asunción a Buenos Aires,

D’Asunción à Buenos Aires,

Il m’a transporté,

Me ha llevado

Il va t’emmener…

Te va a llevar…


Cette histoire

Esta historia

Sans personnages,

Sin personajes,

N’a pas été racontée,

No ha sido contada,

A Toi d’y voir,

A ti te toca ver,

Ce qui pourrait

Lo que podría

T’en dé- livrer…

Libr-arte de ella…


Iker Vera
06 03 2007

"En la yema de tus dedos hasta la muerte", Carolina Orlando, cuento sacado de "Memorias de un escritor", (sin editar)


En la yema de tus dedos hasta la muerte



Con el pago de este trabajo podría comprarme los zapatos. Pero, para juntar el dinero que necesito, tendría que encontrarla sin que me vean los muchachos. Eso de repartir la paga no conviene, no alcanza.

¿Cuál es la cosa más fuerte del mundo? ¿Será el río? No. Al agua del río se la llevan las nubes. ¿Será el viento, entonces, que arrastra las nubes? No. Puedo encerrar el viento en mis pulmones. Mi cuerpo es más fuerte que el viento. Pero no soy fuerte cuando tengo miedo. ¿El miedo? Ha de ser el miedo. El vino apaga el miedo, dijo un viejo. El sueño que da el vino, dijo ña Rufina. Ella no quiso revelarme qué es más fuerte que el sueño. Soy muy chico, dice. Cuando vaya a lo de Paino, vamos a hablar sobre eso. Él debe tener la respuesta. El tío, por obispo, debe tener todas las respuestas. Él no pensará que soy chico. Los dos somos hombres y vamos a entendernos. Cuando me vea con los zapatos nuevos, no va a decir que soy chico. Cómo crecen estos muchachos, va a decir.

Si no presto atención, no la voy a encontrar.
Los mellizos siempre la encuentran porque saben enfocar los ojos en una sola cosa. Yo no puedo. Tengo la cabeza llena de ideas, de historias inconclusas. Papá dice que son los cuentos de ña Rufina. Me quedan dando vueltas. No los puedo olvidar. Y además, ¿por qué tendría que olvidarlos? Prefiero olvidar los castigos de papá. Pero quizás no pueda. Ahora, será mejor mirar atento el río. Pronto aparecerán los muchachos.
El lecho está más fangoso. Los dedos de mis pies se entierran como destinados. Ha de ser por el ganado. Muchas balsas están pasando. Muchos caballos. Eso afloja el fango. No lo deja decantar. Pero hace bien el frío. Allá abajo está el frío. No tengo que dejar que el sol me seque. Si los muchachos me vieran, se armaría una pelea. A los mellizos le resulta fácil encontrarla. Tienen un pacto con el diablo esos dos. Parece que se la pone en el paso. Tampoco es justo que siempre la encuentren ellos. Es plata tirada. Yo la necesito para un par de zapatos. Tengo que pisar Asunción con zapatos. Mis pies desnudos quedarán en Iturbe, aquí, en este fango que los atrapa como si fueran raíces. Como si mi destino fuera quedar plantado en el río.
Cuando hundo mis manos en el lodo, la piel se confunde con el río y mi cara es la del río. Ese reflejo soy yo. Pero si parece que tengo miedo. Mi cuerpo es una isla que se mueve, que transporta el reflejo de una cara que podría ser su luna, o un Dios que la mira, o un gigante que espera salir del agua. Eso parece mi cara. Pero no soy una isla, ni mi cara podría ser Dios. Soy yo, buscándola.
Cuánto pesa mover los pies... Es distinto cuando nos bañamos. Bueno, era distinto hasta que el mellizo la encontró, ahora jugamos con más cuidado. No se merece que la pisen. Si la hubiese pisado, al menos, ya tendría mis zapatos. El otro día, el colorado tenía unos nuevísimos. Pero a ese se los compraron. El padre está trenzado con el capataz del ingenio. Todos dicen que le esconde cosas. Mujeres, por ejemplo. El padre del colorado la va a encontrar antes que yo, pero de otro modo.

El sol ya no ilumina con tanta fuerza, comenzó a caer despacio. Es la hora de los cuentos. Sería mejor estar en casa, escuchándolos. Pero ahora se me escapan los cuentos. Necesito los zapatos. Mamá me lleva a otros mundos, dice. Y yo cada vez más encastrado en el río. Pero qué lindos son esos mundos. Tienen música. Cómo quisiera estar escuchando esa música. Todo es río, acá, mientras la busco. Encontrarla significaría mi par de zapatos para ir a la casa de Paíno. Pisar Asunción con zapatos nuevos. Pero todavía no los tengo. No es fácil encontrar señales cuando se está alucinado por otros pensamientos. Basta. Afirmar mis ojos en el agua. También mis manos, mis pies, todo el cuerpo. Alcanzar los indicios con mis dedos. Aún así no la encuentro, ni un solo tropero. Escarbo el fondo con todas mis uñas. Se llenan de tierra empapada de río. Las raíces acarician mis piernas. Tampoco está en la orilla. Los renacuajos se chocan entre sí, son demasiados, y no ven. No se ven. Mueven sus colas y se impulsan hacia delante, hasta que chocan entre sí. Son miles. Los que crezcan, van a irse lejos. Como yo. Van a dejar de ver pasar el ganado. Otros se prenderán de las patas de los caballos y se secaran con el sol. Morirán viajando. Alejándose. ¿Yo también sentiré que muero si me alejo del río? Ña Rufina dice que un ser humano pasa por muchas muertes. En ese caso, será mi primera muerte. ¿Qué sentirán los renacuajos cuando mueren? Quemazón. Ellos también añorarán el río.

Tengo que encontrarla. Ya no puedo estirar más el tiempo.
Ella será mía, mía, mía. Con esa seguridad lo digo. Porque así de seguros aparentan ser los mellizos, y la encuentran. Será mejor si me paro firme. Tomar la postura de esos dos. Copiarles el tranco. No. Mis pies no están hundidos. En realidad, todo el fondo del río son mis pies. Así: pensar al revés: no pierdo mis pies en el río. Gano el río como parte de mis pies. Sí, la voy a encontrar. Si me vieran los muchachos... Parecés un mellizo, me dirían. Sacás el pecho como ellos, achicás los ojos para verla mejor. Por eso, concentración. Buscar las señales. No debería ignorar los bichos. Ellos pueden ser un indicio. Me pueden llevar hasta ella. Siempre hay bichos a su alrededor. Las moscas en el aire, los cuervos la esperan en los árboles, los renacuajos en el río. Voy a volver a la orilla. Ahí tiene que estar el entrerriano…
El padre del colorado se quedó con el caballo. Miriñay, le puso. Dice que así lo llamaba el tropero Acosta. Porque él asegura que es el caballo de Acosta, el entrerriano. Dice que lo conoce bien, del escondite, debe ser. Ahí se embriagan los troperos a la vuelta del viaje, cuando vuelven sin el ganado. Primero se ahogan en el vino, después van a parar al río.
… Ahí tiene que estar el entrerriano porque el agua se mueve nerviosa. Pero ya cuesta mucho caminar. Pesa arrastrarse. Mis pies están cansados de tanto pelear con el barro espeso. Ahí. A unos pasos. Donde están los renacuajos. Hay demasiados. Y están nerviosos, como si allí abajo pelearan por el alimento. Ahí tiene que estar el tropero Acosta. Avanzá firme que ya la encontrás. No pienses en los cuentos. Esa música. No te distraigas ahora. Hundí la mano. Esquivá los bichos. Achicá los ojos. Tanteá el fondo. Esos son los últimos gestos del entrerriano. La cara hinchada de vino y agua. No tiembles. Sacá la mano. Mirala bien. Esa sensación. Eso es ella. La encontraste. Nunca más te la quitarás de las yemas de los dedos. ¿Hay algo más fuerte en el mundo? Ya lo hablarás con Paíno. Mientras tanto, sonreí, te ganaste los zapatos.

" Hueso y piel", Francisco Javier Sancho Más



Narrativa

HUESO Y PIEL Por Francisco Javier SANCHO MÁS Para culminar el homenaje de Carátula a Roa Bastos, Sancho Más escribió este relato como una carta al autor que le enseñó a leer la literatura latinoamericana, allá dondequiera que se encuentre. (A la memoria de Augusto Roa Bastos)
http://caratula.net/Archivo/N6-0605/secciones/narrativa%20-%20Javier%20Sancho%20Mas.htm

“Hueso y piel, doblado hacia la tierra, solía vagar por el pueblo en el sopor de las siestas calcinadas por el viento norte” Hijo de Hombre. Roa Bastos.
Permítanme que no me presente. Yo tengo nombre de esclavo. Vengo del pueblo de Iturbe del Manora. Soy guardia fronterizo. Quiero decir he sido. Ahora vivo retirado en las márgenes del río desde hace…no sé desde hace cuánto. Lo importante es que les tengo que contar algo deprisa.
El trabajo del guardafronteras la mayor parte del tiempo suele ser muy aburrido. En mi caso era un poco distinto. Me habían asignado una cámara fotográfica, y me pasé la vida haciéndole fotos a todo cuanto se movía de una parte a otra. Cuando lograba reunir una buena cantidad las mandaba en un sobre a Asunción. Allá las estudiaban buscando la prueba del tránsito de algún criminal o de un revolucionario.
En el puesto fronterizo, el cuarto de baño servía también para el revelado. Yo pasaba mucho tiempo en su interior casi a oscuras, tan sólo iluminado por una tímida luz roja cuando el agua revelaba la imagen de la litografía. Mis compañeros todavía se acordarán de cuando se desesperaban golpeando la puerta mientras ellos se iban de vientre y yo rezaba el padrenuestro en guaraní por cada imagen que emergía nítida del agua. No era fácil acertarle de lejos a un objetivo que se está moviendo. A cada sospechoso o sospechosa debía hacerle sendas fotos de frente y de espaldas. El tránsito no daba lugar a más que a tres o cuatro disparos. No podía fallar.
Nunca he ostentado ningún cargo ni rango. Hubiera sido difícil con mi nombre de esclavo. Pero cuando revelaba las fotos, el cuarto de baño era mi dominio y tenía la autoridad de no abrir la puerta bajo ningún concepto. De lo contrario, las pruebas gráficas quedarían inutilizadas. Si penetraba algo de luz blanca, el rostro de las personas de la imagen se hacía borroso, como a la vista de un miope. Poco a poco dejaban de existir.
A veces, los compañeros se enfermaban tanto que yo tenía que encargarme de todo: hacer las fotos, vigilar movimientos extraños, y revisar los documentos de alguien que iba o venía. Yo nunca me he enfermado, al menos hasta el punto de no poder trabajar. En mi familia todos hemos tenido una salud de hierro. En esos momentos en que me quedaba solo, ocurría algo extraño. Cuando estaba junto a los otros compañeros, el mundo me parecía más chico, sabía de memoria los metros de distancia entre una frontera y otra, pero si no había nadie alrededor, todo se difuminaba como en una fotografía al revés. La frontera era un gran espacio verde de nadie. A ratos, pasaban hombres y mujeres con reverencia, como pidiendo permiso a la selva. Muchas veces, de entre la arboleda, se venía el eco de uno que cruzaba delatándose con un padre nuestro también en guaraní. La soledad en el campo era inmensa. Nadie se lo puede imaginar. Así me encontraba en uno de esos días de 1966. Por la mañana había llegado el correo y me fijé que en varios sobres se leía “urgente y confidencial”. Acostumbraban a sellar así cualquier orden trivial, como la de no olvidar que ciertas piezas de caza requisadas a los furtivos, fueran enviadas de inmediato a la residencia del oficial al mando más cercano, a nombre de su esposa. Pero ese día dejé el correo para luego pues primero tenía que encargarme de la limpieza de todo el puesto.
En mitad de la faena, lo vi llegar. Caminaba con una maleta que le vencía de un lado. Llevaba chaqueta y corbata, y de lejos cualquiera hubiera dicho que era un hombre que volvía a su casa cansado del trabajo. No podía ser que, vestido así, viniera caminando de tan lejos. Se acercaba lentamente, mirando hacia abajo y poniéndose a tiro de cámara. Antes dije que el trabajo en la frontera suele ser aburrido porque casi nunca acontece nada. Cuando pasa, siempre le agarra a uno desprevenido. Entonces corrí a por la cámara. Tuve que armar el carrete, y con las prisas se me cayó al suelo en varias ocasiones. Por fin logré tenerlo listo. El hombre seguía ofreciéndose a mi objetivo. Hice dos disparos con la distancia entre foto y foto de unos pocos pasos. Si más tarde las hubiera visto una detrás de la otra de forma rápida, parecería que el hombre estaba atrapado en un movimiento constante de un solo paso. De lejos, era inconfundible su silueta guaraní. Su andar doblado hacia la tierra me era familiar. Por último, también su acento al saludarme tímidamente, sin alegría. Me entregó los papeles y se resaltaron, sobre el nombre, el lugar de su infancia y la fecha de nacimiento: Iturbe del Manora, 13 de Junio de 1917. Se me salió una expresión de sorpresa en guaraní. Después le dije mezclando los dos idiomas que yo había nacido en el mismo lugar, exactamente un día después que él. Ya era casualidad. Recibió la noticia con una sonrisa mustia como quien vuelve de visita a un pueblo convertido en fantasma. Entonces puse los ojos nuevamente sobre los apellidos y el nombre: Roa Bastos, Augusto. Empezaba a comprenderlo todo: su andar alicaído, su vestimenta, el correo urgente de la mañana…
Le miré a los ojos desde mi asiento. Tengo que decir que he visto a mucha gente irse para siempre del país, dejándolo todo, pero nunca vi una tristeza tan negra en los ojos. Era como si cargase en los párpados un saco de huesos y el resto de su cuerpo se estuviera preparando para una muerte de años. Hubo un instante de silencio sepulcral que yo respeté mientras le tuve delante. Después revisé sus papeles tratando de limitar mis preguntas, como si estuviera ante la imagen del Cristo agonizante de mi pueblo, la que tallara aquel escultor leproso que se fue a vivir a las afueras para que la gente no le viera el rostro deformado. Una imagen que costó que fuera bendecida por el obispo hasta que todo el pueblo se rebeló para que lo hiciera. Ese hombre que tenía ante mí se acordaría de él, del viejo leproso que construía guitarras, y de cuando en las tardes, desde las afueras se le oía tocando maravillosamente sin que nadie le viera. Los campesinos, las mujeres, los hombres del aserradero, se detenían en el camino de vuelta y, al oírle tocar, ya nadie pensaba en morirse.
Por intuición, volví a ver los sobres urgentes de la mañana. Se me ocurrió pensar que tenían alguna relación con ese hombre. Le dije que me esperara un momento. Fui a abrir una de las cartas. En efecto, se trataba de un mensaje que se refería exactamente a él. Se ordenaba ejecutar el mismo procedimiento que con otros individuos en ocasiones anteriores. Por un momento no supe qué hacer. Aquello estaba más allá de mis obligaciones. Conocía el procedimiento, aunque siempre preferí no saber nada. En el puesto se hallaban requisadas varias escopetas de los cazadores furtivos. En Asunción se solía practicar la política de invitar cortés y públicamente a salir del país sin mayores consecuencias a ciertos elementos subversivos. Quedaba así, la imagen pulcra del Supremo frente a la prensa internacional. Sin embargo, en las cartas que llegaban al puesto estaba escrita la verdad. Los peligros de la selva son muchos. Con una escopeta no reglamentaria, siempre el mismo guardia tenía orden de disparar desde algún arbusto separado del puesto antes de que esos elementos pudieran alcanzar el otro lado. Si llegaba a saberse la muerte de alguno, inmediatamente se culpaba a la imprudencia de cualquier cazador furtivo fácil de capturar, o a la fechoría de algún criminal de los que abundan por esas regiones. En ocasiones, el tiro provenía del otro lado: en la frontera los límites son como una fotografía mal revelada. Entre guardias de un país y militares de otro se disputaban el muerto y se repartían la recompensa cuando ésta llegaba. Mi general Stroessner tenía la franqueza de admitir su poder supremo, pero nunca reconoció en su haber ningún preso ni crimen político. Menos aún los del otro lado. En ausencia del guardia encomendado, la orden debía cumplirse por quien estuviera a cargo en el puesto.
Pero ese hombre era de mi pueblo y yo por entonces, me consideraba ya más un fotógrafo que un guarda fronterizo. Le había tomado tanto cariño a la tarea de hacer fotos que la frontera la tenía para mi como un campo de trabajo visual y artístico. Hubiera tenido la honradez de cambiar de oficio, pero a los que nacemos con nombre de esclavos nos es difícil vislumbrar opciones propias. Aunque la vida a veces regala ciertos momentos para ello.
Aquel hombre y yo casi no nos conocíamos. Sin embargo, lo sabíamos todo de nuestro pueblo en el Guairá: cada esquina; dónde apretaba más la resolana; el Cristo del leproso; la historia de la mujer prostituta que cuando la guerra del Chaco se hizo enfermera y por ese cambio de oficio, fue que todo el mundo empezó a referirse a ella como “la puta”. Los dos habíamos vivido lo mismo, también el Chaco. Yo fui soldado, él camillero. Eso lo supe después cuando me puse a leer, lento y con paciencia, cada uno de los libros que había escrito y recordé entonces todo.
Tengo nombre de esclavo, pero a ratos se me sale la libertad. Le enseñé de golpe el papel de su sentencia. Sin mudar el gesto apenas, me preguntó: “¿Y qué harás?”. Como yo no le decía nada, el prosiguió: “Te ruego al menos que me digas el lugar exacto donde me alcanzará el disparo.” Entonces, le conté lo que haría: “Esconderé la carta, la volveré a sellar y mañana, a la llegada del primer correo, la mezclaré con los otros sobres. Luego daré parte de que la orden llegó con un día de retraso”. Además estaba solo. No había testigos.
No sé si me creyó del todo, ni tampoco si, mientras recogía su maleta y se marchaba, tembló en algún momento al oír a sus espaldas un clic. Él ya era nuestro sacrificado. Su exilio fue para entregarnos la tierra. Yo me había criado usando el guaraní de mis antepasados, a veces, con algo de pena delante de las autoridades. Durante toda mi vida y sin saber por qué, había trabajado de sol a sol; había ido a luchar por una causa en el Chaco que nadie entendía; sin saber por qué, había matado por un petróleo que no era verdad, por un futuro que no era verdad. Sin saber por qué. Pero a él, nuestro sacrificado, nuestro señor de los exilios, lo enviamos a traer a nuestros muertos allá donde se encontraran, en las regiones de las que no regresa un hombre vivo. Y nos devolvió la lengua vernácula convertida en milagro, envuelta en un papel de regalo venido de lejos, como si hubiéramos servido a una hermosa princesa indígena que nuestros ojos no hubieran podido admirar, ocultos como estaban tras un velo negro. Alguien dijo que nos había enseñado a mirarnos las manos sin sentir vergüenza por tenerlas sucias.
Cuando en 1989 le permitieron volver, después de que por fin una flaca democracia expulsara al tiranosaurio de Stroessner, vino sonriendo pero con la certeza de quien se ha labrado su féretro durante años. Así que cuando al final se supo que ya anciano y solo, una asistenta le estaba drogando para desvalijarle poco a poco, eso no fue más que el último capítulo de una muerte más antigua. Al menos, tuvo el privilegio de descansar sus huesos y su piel en el Paraguay como gran tumba. El país del largo sacrifico, comido, estrujado, olvidado entre los grandes subcontinentes de alrededor y en los que se desparrama el éxodo de los paraguayos. Roa también se había exiliado en la Argentina. Allá se publicó Hijo de Hombre , la mejor de sus novelas, donde hablaba de nuestro pueblo fugitivo, cruzado por una historia que parecen haber labrado con saña las constelaciones. Después leímos El fiscal , y Yo el Supremo , ésta sobre el otro dictador antiguo, Gaspar Francia, el que le dio al Paraguay la independencia, y también la sangre. El año que nos vimos en la frontera, él escribió El Baldío , que es el mejor cuento del mundo: un hombre que acaba de arrastrar a un muerto hasta un basural y recoge a un niño gimiendo, abandonado allí mismo. Nadie sabe por qué ocurre ni quiénes son los verdaderos protagonistas. Así es la historia de nuestro pueblo: depositar muertos que luego dan a luz. Nunca se nos ha dejado ser con nuestros ríos y nuestras selvas. Siempre hemos sido el experimento del reino de Dios cercenado por Roma, la tierra donde los esclavistas portugueses cazaban guaraníes. En nuestra sangre siguen huyendo unos de otros. Roa también estuvo en la Argentina, sí, como los miles de paraguayos en ese emigración de sur a sur que no se cuenta, que es aún más dolorosa por silenciada, la de la gente de unos países pobres a sus vecinos un poco menos pobres. Huyendo, siempre huyendo. El exilio le llevó también a Francia, como a nuestra misma historia. Después le otorgaron el premio mayor de la lengua castellana, a pesar de haberla entrelazado con el guaraní. Qué extraña es la vida.
Y más exilios, más luchas, más premios. Pero la muerte lo acompañaba de lejos y era por todos nosotros, no me cabe duda. Algunos pensarán que exagero. Ahora que ya de esclavo sólo conservo el nombre, quise contar esto deprisa, sin miedo, aunque sí con un presentimiento. Los guaraníes creemos que nuestros años se hallan escritos en las piedras de los ríos. Cuando lo tuve delante descubrí que yo había nacido un día después que él. Ahora que Roa Bastos ha terminado de morir a este mundo, escribo justo al día siguiente, previendo que me arrastre a contravida como si lo hubiera hecho también al nacer. A él que nos dotó de una voz más alta repleta de ecos, yo quise devolverle estas palabras antes de que nos encontremos una vez más en otra frontera.
Yo soy el que le hizo la foto por detrás, la que se conserva de su último exilio, donde se le ve de espaldas, llevando en su maleta las voces ocultas y cercenadas de los nuestros, para enviárnoslas luego con el fin de que nos hiciéramos nuevamente sus dueños. Es la foto en la que se va caminando hueso y piel, doblado hacia la tierra.
Barcelona. Mayo 2005